Assurbanipal

Assurbanipal est une méditation philosophique et poétique sur la mémoire, le pouvoir et le temps. À travers le regard d’Alexandre, un historien contemporain fasciné par l’ancienne Mésopotamie, le lecteur plonge dans une nuit hors du temps, où passé et présent se rejoignent. Dans un rêve éveillé ou une vision onirique, Alexandre se retrouve face à Assurbanipal, roi assyrien lettré et conquérant, dans la bibliothèque mythique de Ninive. Ce dialogue entre les siècles devient le théâtre d’une quête de vérité et d’une réflexion sur le destin humain.
Le texte déroule une série de conversations profondes entre les deux hommes sur les grandes questions de l’humanité : la violence, l’amour, le savoir et le pouvoir. Le roi évoque la guerre avec lucidité, assumant la cruauté nécessaire au maintien de l’ordre, tandis qu’Alexandre lui oppose les hypocrisies et les paradoxes de la guerre moderne. Leurs échanges mêlent les sagesses anciennes aux dilemmes contemporains, avec une intensité rare, servie par une langue évocatrice et sensorielle.
Mais le cœur de l’essai réside dans la confrontation entre deux visions du monde : l’une hiérarchique et sacrée, où chaque geste est pesé sous le regard des dieux, l’autre démocratique et fragmentée, où la vérité se cherche dans un vacarme de voix égales. À travers cette tension, le lecteur est invité à s’interroger sur les limites de la modernité, sur le sens profond de la mémoire et sur la responsabilité de transmettre.
Le texte est aussi une célébration de l’écriture comme acte de résistance au temps. Assurbanipal, roi-scribe, voit dans ses tablettes d’argile des barques jetées sur l’océan des siècles. Alexandre, historien du XXIe siècle, y répond par ses propres archives numériques. Tous deux sont des passeurs de mémoire, réunis par une même passion : comprendre ce qui fait l’humanité au-delà des époques.
Entre essai philosophique, fiction historique et rêverie érudite, Assurbanipal est une œuvre singulière, d’une richesse profonde. Elle ravive les échos d’une sagesse oubliée pour mieux interroger le présent. En prêtant sa voix à un roi disparu, l’auteur nous offre un miroir tendu à notre époque troublée — un miroir où se reflètent, avec une acuité saisissante, nos propres contradictions et aspirations.
La nuit avait depuis longtemps enveloppé le bureau d'Alexandre. Elle laissait la ville au loin sombrer dans un silence feutré. Les articles éparpillés sur son bureau formaient un chaos ordonné. L’écran de son ordinateur, source unique de lumière, jetait sur les traductions de tablettes cunéiformes une lueur qui fatiguait ses yeux. Il se frotta les tempes, tentant de repousser la migraine naissante, tandis que l’odeur aigre du café froid, oublié depuis des heures, flottait encore dans l’air. Il passa la main sur les pages gribouillées d’annotations, cherchant un fil conducteur dans l’enchevêtrement d’idées.
De temps à autre, son regard s’échappait vers la fenêtre, où l’obscurité semblait murmurer un écho de lointains mystères mésopotamiens. Une bourrasque fit grincer les volets, et il frissonna, réalisant soudain qu’il n’avait pas bougé depuis des heures. Fatigué mais captivé, il murmura pour lui-même : « Assurbanipal... que cherchais-tu à transmettre dans ces lignes ? » Une chaleur fugace, presque un réconfort, l'envahit à l'idée qu'il partageait une quête avec ces scribes d'un autre temps.
Ses collègues de l'université le trouvaient obsessionnel dans sa quête de comprendre l'Empire assyrien. Mais comment ne pas l'être ? Assurbanipal le fascinait depuis qu'il avait découvert, adolescent, l'existence de ce roi guerrier et lettré. Un monarque qui avait fait rassembler tout le savoir de son temps, qui lisait les présages dans le foie des moutons et gravait ses victoires dans la pierre.
« Le palais de Ninive... », murmura-t-il en relisant pour la énième fois la description de la demeure d'Assurbanipal. Ses yeux fatigués glissaient sur les mots : « plus grand rassemblement de textes du monde antique... roi lettré... collection systématique de tablettes... »
À quarante ans, Alexandre avait consacré la moitié de sa vie à l'étude des textes akkadiens. Il parlait cette langue morte comme si elle avait toujours coulé dans ses veines. Les autres chercheurs se moquaient parfois de sa passion pour ce roi disparu depuis plus de deux millénaires. Mais lui savait. Il savait qu'Assurbanipal était différent des autres souverains de son temps.
La fatigue pesait sur ses paupières. Les caractères cunéiformes semblaient danser sur les pages, prendre vie. Dans ce demi-sommeil, les mots akkadiens qu'il avait appris résonnaient dans son esprit : « Ana pī duppi labiri », « selon la tablette ancienne... »
Le sommeil le prit sans qu'il s'en aperçoive.
Ce fut d'abord l'odeur qui le frappa. Une odeur d'argile humide, d'huile de lampe, d'encens. Puis la chaleur, lourde, épaisse. Quand il ouvrit les yeux, ce n'était plus la lumière de son écran qui l'éclairait, mais la lueur dansante de lampes à huile.
Il se tenait debout dans une vaste salle aux murs couverts d'étagères. Des milliers de tablettes d'argile, soigneusement rangées, s'alignaient devant lui. L'air vibrait d'une présence ancestrale, comme si les mots gravés dans l'argile murmuraient leurs secrets millénaires.
Un bruit de pas feutrés le fit se retourner. Dans la pénombre, une silhouette s'approchait. Un homme de haute stature, portant une longue barbe tressée et des vêtements richement ornés. Son regard était à la fois perçant et curieux. Alexandre reconnut immédiatement les traits qu'il avait tant étudiés sur les bas-reliefs.
« Assurbanipal », souffla-t-il.
Sommaire
Prologue - La Bibliothèque de Ninive
De la Violence
De l'Amour
Du Savoir
Du Pouvoir
Epilogue
Détails
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Nombre de pages :73
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Genre :Essai philosophico-littéraire, entre dialogue imaginaire et méditation historique.
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Lieu :Grande bibliothèque de Ninive
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Thèmes :Mémoire et transmission du savoir. Dialogue entre passé antique et pensée contemporaine. Rapport entre pouvoir, violence et humanité. Place de la culture et des bibliothèques dans les civilisations. Réflexion sur l’identité, le deuil, et l’héritage spirituel. Rêve comme espace de rencontre entre les âges et les âmes.